contribution au lagon du 28 juin 2019
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nous vous proposons de faire part à l'ensemble des participants de vos contributions - propositions concernant les débats qui se dérouleront le 28 juin . Elles serviront à alimenter les débats.
Merci d''être extrêmement synthétiques. Des textes trop long, quelque soit leurs qualités, risquent de ne ps être lus.
Merci de signer vos contributions

MATIN
1 les stratégies actuelles de lutte et de mobilisation : les gilets jaunes et les actions climat. Comment cette problématique émerge-t-elle là où l'on est?

Adèle : Je me suis laissée portée par le mouvement des gilets jaunes sans être totalement ni dedans, ni dehors, j'ai observé, participé et bcp appris, sur les modes de luttes qui se transmettent, les questions que ça pose, la violence qui circule dans le face à face aux forces de l'ordre et à l'Etat, la solidarité qui se construit dans le mouvement, et les différences qui éclatent à nouveau. C'est, comme Nuit Debout l'était, un mouvement d'abord "contre" qui rallie les forces, et celles-ci peuvent s'épuiser dans ce contre. Le plus dur est de construire "pour". Cela se fait concrètement à partir des liens effectués, mais le manque est dans l'abord des "questions qui fâchent" laissées de côté via le RIC en sauveur, il est ensuite dans la constitution d'une identité médiatique auquel aucun mouvement n'échappe et qui tend toujours à le renfermer, cette fois c'est le problème des liens avec l?extérieur.
Concernant les marches climats, elles ont surtout porté sur une population déjà politisée, plutôt urbaine, et en attente de solution à court, moyen et long terme. On a vu les positions se radicaliser, avec les mouvements lycéens et d'autres, n'attendant plus des réponses du gouvernement mais souhaitant construire directement, et en collectif le monde à venir. Ce qui émerge ici permet la mobilisation d'une marge de la population pour la constitution d'un éco-système qui est déjà en gestation.

Patrick : À l'origine le mouvement des gilets jaunes a été vécu, à tort ou à raison, comme contradictoire avec les premières marches climat. Là où les premières exigeaient des pouvoirs publics des mesures plus radicales dans la lutte contre le dérèglement climatique la première forme d'apparition du mouvement des gilets jaunes contre l'augmentation du carburant semblaient annoncer deux mouvements profondément divergents. Heureusement un double rapprochement s'est amorcé (et de nombreux membres de l'archipel ont contribué à ce rapprochement ) autour de l'idée que la coïncidence de ce double Mouvement permettait de mettre clairement en lumière l'articulation justice sociale-exigence écologique et le rapport fin du mois-fin du monde. Pour autant on ne peut fuir totalement la contradiction originelle qui traverse aussi les peuples , et chacun d'entre nous :), dès lors que nous sommes confrontés concrètement à la question : sommes nous prêts à réduire, voire abandonner , des comportements générateurs de gaz à effet de serre ou de destruction de la biodiversité . Une certaine idéalisation du mouvement des gilets jaunes par une partie de la gauche radicale découvrant enfin un mouvement social populaire et projetant sur lui ses propres aspirations n'a pas forcément rendu service au mouvement et a contribué à nier ce qui manifestait des éléments de contradiction et d'ambivalence. Ceci conduit à croire que le seul problème est celui de l'oligarchie ou des gouvernants et qu'il suffirait d'organiser une radicalité plus mordante pour les faire céder. Cela se justifie du côté des formes nouvelles de résistance et de désobéissance civile mais à condition de travailler par ailleurs sur le volet positif de cette radicalité qui attaque l'autre question fondamentale : celle de l'addiction profonde des peuples (et pas seulement de leurs gouvernants) à un mode de croissance, de vie, de confort qui, dans les sociétés marchandes, vient compenser dans l'ordre de l'avoir le mal de vivre profond dans
l'ordre de l'être. Traiter cette seconde difficulté est essentiel car si par hypothèse les gouvernements (par exemple le français) adoptaient enfin des mesures radicales il est probable qu'ils rencontreraient une forte opposition sociale égale ou supérieure à celle des gilets jaunes.

Bruno : le danger actuel des mobilisations climat est la confusion entre urgence et précipitation. Par la précipitation, nous assistons actuellement à une explosion de propositions plus ou moins construites, souvent portées par une forme de désespoir plus ou moins conscient. Ces mobilisations sont favorisées par la facilitée de communiquer et de mobiliser ponctuellement par les réseaux sociaux. Ces mobilisations n'aident pas à la construction et sont tentées d'évacuer le long terme. Cela apparaît très dangereux.
Ne pas penser le long terme, c'est penser que nous n'avons pas d'avenir, ce qui est aujourd'hui largement et spectaculairement partagée par le grand public.
L'autre danger que je vois du coté des mobilisations climat est une forme de radicalisation qui consiste à entrer dans une forme de mépris de personnes que nous jugeons nos adversaires. Le risque c'est qu'il est ensuite impossible de négocier avec quelqu'un qu'on méprise. Le name and shame doit s'appliquer aux institutions et pas aux personnes

Comment chacun aimerait voir l'archipel s'engager là-dedans?
Adèle : vu ces deux problèmes concernant les liens en interne (construire ensemble du pour et pas seulement du contre, aborder les sujets difficiles pour les dépasser, sans que tout le monde soit d'accord) et en externe (comment un mouvement naissant ne va pas s'isoler dans une identité souvent construite contre lui). L'archipel, par ses membres déjà actifs dans différentes orga, pourrait travailler sur le bien vivre au sein de ces mouvements pour les liens internes, et travailler à les relier à des collectifs plus anciens et/où être espace de réflexivité pour les liens externes. Cela suppose qu'au-delà de nos visions, nous mettions la reliance au service de ce qui émerge, et que nous y apportions tout ce que nous avons construit pour l'orienter au mieux. C'est une position inverse à celle du pouvoir, qui accepte d'être surpris par ce qui émerge, plutôt que de rejouer ce qui ne fonctionne plus (ex le rejet de la représentation)
Pour les marches climat, l'archipel peut porter la notion de l'écosystème en y étudiant les limites ( inclusivité, gouvernance, bien vivre, etc) et aider par les orga participantes à le déployer concrètement. Ce serait pour moi le travail de fond de l'archipel, la reliance étant le travail de forme, les deux étant bien entendu tout à fait liées.

Patrick : Nous sommes plusieurs membres de l'archipel à proposer à la fois ce débat par rapport à des mouvements qui se limitent à la simple protestation (cf par exemple l'intervention de plusieurs d'entre nous par rapport à la campagne "Sortons Macron") et à proposer le lien entre résistance créative et radicalité positive.
Sur le lien résistance créatrice/ radicalité positive que l'on pourrait résumer dans la formule d'une radicalité créatrice il s'agit de proposer que des actions de résistance telles la grève ou le boycott s'accompagnent de leurs équivalents positifs en termes de réaffectation du temps libéré par la grève et de l'argent (ou de tout autre moyen d'échange) désinvesti à l'occasion d'actions de boycott.(cf mes propositions sur ce point dans un échange notamment avec Txetx)

La mise en oeuvre d'une radicalité positive (ou créatrice) peut ainsi s'organiser autour du thème : tout ce que nous réclamons, nous allons le mettre en oeuvre ! Il s'agit ainsi de montrer en acte que le monde que nous proposons fondé sur la responsabilité écologique, la justice sociale et l'approfondissement des droits est non seulement possible mais désirable. L'axe du bien vivre en acte et la mise en oeuvre du projet d'écosystème est donc essentiel.
sur le bien vivre en acte il s'agit vraiment de l'inscrire comme structurant les moyens mis en oeuvre et pas seulement les fond ce qui en fait un simple idéal. L'objectif ici est symbolisé par le slogan : les Jours heureux dès maintenant ou "la cerise dans le gâteau et pas seulement sur le gâteau". (voir propositions de la pirogue nanoub par ailleurs )

S'agissant du projet d'ecoosytème il faut le faire progresser à trois niveaux :
  • celui des territoires (lien avec les territoires pionniers de l'ESS, les territoires de la transition, les chantiers de la métamorphose, le mouvement des monnaies locales ) dont nous avons beaucoup parlé à Grenoble

  • celui du niveau national (Enercoop, La Nef, Mobicoop, le mouvement Sol qui propose une interopérabilité des monnaies locales) qui devrait être relancé lors d'une nouvelle rencontre le 12 juillet à Paris et faire suite au rendez vous prévu le 7 juillet lors des Dialogues en humanite"

  • celui des premières étapes du projet à l'échelle planétaire (objet aussi du débat sur l'écosystème lors des Dialogues en humanité) en lien avec le projet récit du pays de nos rêves à construire : Nanoubie ou tout autre dénomination correspondant aux éléments d'une république terrienne mettant en oeuvre le projet d'une société du bien vivre en liant responsabilité ecologique, justice sociale et approfondissement des droits. Lien avec l'appel aux consciences porté par l'archipel

Toutes ces propositions pourraient irriguer les participations des membres de l'archipel lors des prochains rendez vous de l'été : Dialogues en humanité, terres de convergence, An Zéro de la Bascule ainsi que les projets de la fête des possibles (porté par le CTC) et le mois de l'ESS. Elles pourraient être au coeur d'un nouveau temps de reliance inter réseau type Villarceaux 4

Bruno : travailler sur le temps long est difficile à cause de l'urgence de la situation. De plus nous avons été habitués à envisager l'avenir comme la suite rationnelle de ce que nous vivons. Hors cette suite rationnelle est catastrophique, et génère de l'angoisse, donne le sentiment que "nous avons 3 ans pour sauver la planète. Il nous faut réintroduire dans notre manière d'envisager l'avenir de la place pour inattendue.
L'archipel peut y contribuer en relançant l'importance du récit, collectif et personnel. Le récit qui fait à la fois appel à des éléments rationnels, mais aussi à l'imagination et à ce que nous savons (croyons) de ce qui est au coeur de l'humain. C'est à mon avis le moyen actuel de repenser l'avenir. Si nous (individuellement et collectivement) n'avons pas d'avenir, le pire est certain. Pour nous "sauver" nous avons besoin de penser un avenir.

2 les enjeux politiques : la bipolarisation RN-LREM et la recomposition de l'écologie sociale Comment cette problématique émerge-t-elle là où l'on est?
Patrick : La bipolarisation actuelle est , à mon avis, pour l'essentiel, une bipolarisation par défaut. E Macron a d'abord été élu pour faire barrage au Front National et une bonne partie des contradictions actuelles que rencontre le gouvernement vient du fait qu'il n'a pas vraiment de mandat pour appliquer sa politique très favorable au néocapitalisme et aux plus riches. Là où il aurait pu être en cohérence avec son élection c'est s'il avait joué vraiment la carte du renouveau démocratique, du dépassement d'une politique binaire. Mais cela aurait supposé une autre approche que la théorisation d'un pouvoir jupitérien et aurait dû conduire, ce qui était la proposition originelle de personnes comme JP Delevoye, à ouvrir largement LREM sur les innovations citoyennes et même à utiliser son énorme financement non pour recréer un parti monolithique mais pour faire vivre une démocratie créative et collaborative. Le fait d'avoir tourné le dos dès son élection à ce scénario a joué un rôle décisif dans l'autisme et l'aveuglement du gouvernement à l'égard non seulement des gilets jaunes mais de la tentative de Nicolas Hulot au gouvernement ou celle de Laurent Berger pour construire une capacité d'articulation entre défi écologique, justice sociale et renouveau démocratique.
Le FN, rebaptisé RN est lui même en grande partie une forme de protestation par défaut, notamment pour la partie de l'électorat ouvrier qui s'est rallié à lui, de la dégradation des conditions sociales générées par le capitalisme financier et le processus de désindustrialisation. Comme l'avait montré W Reich dans son livre "psychopathologie de masse du fascisme" il se produit une regression émotionnelle (ce qu'il appelle "la peste émotionnelle") qui peut conduire des victimes d'un système à se retourner, par peur du déclassement, contre plus victimes qu'elles plutôt que contre le système dominant. C'est ce qui s'est passé déjà dans les années trente . L'Erreur de mouvements tels LFI est de croire qu'en abandonnant le terrain des valeurs humanistes de gauche pour jouer la carte, là aussi , d'une régression émotionnelle, de la lutte "des gens" contre l'oligarchie ils ont accompagné cette régression et loin d'en profiter eux mêmes c'est le RN qui en a bénéficié.

La percée surprise ( au regard des sondages) d'EELV qui reste cependant moindre qu'il y a dix ans et très en deçà de leur score dans d'autres pays comme l'Allemagne ne doit pas non plus être surestimée car elle relève aussi, en partie d'un vote par défaut, devant l'éclatement des listes de gauche. Le point le plus positif est celui du vote jeune mais l'ensemble de cette percée peut s'avérer fragile si la tentation hégémonique qui a échoué avec LFI se déporte du côté EELV. En outre la question des contradictions au sein même du peuple sur les enjeux écologiques suppose un formidable accompagnement éducatif et sociétal dans les années qui viennent et comme le note Jean Desessart ce n'est pas un micro-parti de quelques milliers d'adhérents (environ 2000) qui peut réussir une telle opération.

Comment chacun aimerait voir l'archipel s'engager là-dedans?

Patrick :
Construire une offre politique qui récuse les tentations hégémoniques d'hier (LFI) ou d'aujourd'hui (une partie d'EELV) passe par des approches qui s'inspirent des principes d'organisation de type archipel. Respecter les identités racines permet de rassembler le spectre large des mouvements, projets, partis qui se rejoignent désormais sur le trepied responsabilité écologique, justice sociale approfondissement des droits incluant une mutation des formes démocratiques. De Cap 21 à la partie non sectaire de LFI en passant par la partie du PC convertie à l'écologie, celle du PS remettant en cause le social libéralisme, Génération.s comprenant qu'un mouvement ne peut se construire autour d'un seul leader, Place Publique qui a frôlé la catastrophe, Nouvelle Donne qui n'a pas réussi à être un pôle de cristallisation d'une nouvelle offre politique, Urgence écologie qui avec Dominique Bourg réussit un score honorable mais très faible...tous ces acteurs vont à l'échec s'ils s'enferment dans leurs logiques identitaires mais peuvent construire une réelle convergence s'ils co-construisent un pouvoir de création démultiplié par la coopération et non un pouvoir de domination qui fera fuir les uns ou les autres.
Pour autant cette approche d'un archipel politique qui résulte de notre pirogue sur la sortie des politiques compétitives doit elle même s'enraciner dans la vision plus large d'un mouvement qui place le bien vivre en acte au coeur de sa proposition. Le changement de posture dans le rapport au pouvoir, rendu plus facile lors d'échéances telles les municipales, ne peut perdurer que si un terreau citoyen, économique, éducatif, voire spirituel alternatif aux logiques de rivalité et de domination se déploie dans tous les domaines. La constitution d'un ecoosyteme passe aussi par la réalisation du projet démocratique conforme à nos valeurs (cf le thème : mettons en oeuvre ce que nous réclamons!).
La participation de plusieurs d'entre nous aux appels à la convergence (réunion du 30 juin), La Réunion du 28 juin au soir sur le projet d'archipel politique participent de cette approche mais tout autant le travail de fond de la pirogue Propolis et les initiatives que nous allons développer autour du bien vivre en acte (cf propositions de la pirogue Nanoub)
3 les mobilisations citoyennes (La bascule, le municipalisme, l'écosystème) Comment cette problématique émerge-t-elle là où l'on est?

Patrick : La question de l'avenir de l'archipel citoyen "osons les jours heureux" se pose légitimement du fait de la conjonction de nos limites mais aussi de nos réussites :

  • nos limites car nous rassemblons aujourd'hui davantage des personnes impliquées dans des organisations que des organisations proprement dites à la différence de ce qu'était le projet initial et parce que nous ne disposons pas des moyens logistiques qui permettraient une véritable reliance inter-organisations. Ceci conduit aujourd'hui l'organisation concrète de l'archipel à se limiter à des pirogues (Recit, Nanoub, propolis, Archipol) plus qu'à faire vivre une synergie entre les îles initiales correspondant à la trentaine d'organisations présentes à l'origine.

  • Nos réussites, car la forme "archipelienne" et la culture du bien vivre a beaucoup progressé et s'est répandue sur un mode infusif ce qui pourrait rendre moins nécessaire le maintien d'un ensemble spécifique articulant la notion d'archipel citoyen et la référence aux Jours heureux du programme du CNR. Sur ce second point il est frappant de constater, dans les milieux de culture militante classique, la diffusion de méthodes beaucoup plus participatives, festives et participatives que jadis. Il suffit de se souvenir de ce qu'étaient par exemple les universités d'Attac, à l'origine essentiellement construites autour de cours magistraux, et d'examiner la dernière rencontre de Grenoble co organisée avec le CRID et nombre d''autres mouvements (dont l'archipel) pour s'en convaincre. La généralisation des formes de co-construction respectueuses de la diversité des initiatives et des organisations se retrouve par exemple aussi au collectif de la transition citoyenne et un nouveau Mouvement comme "la Bascule", un moment tenté par l'idée d'agréger autour de lui les initiatives citoyennes, a vite été convaincu de jouer une carte de co-construction des initiatives.

Un élément contraire à cette double évolution doit cependant être fortement pris en compte au cours de la dernière période. La gravité des risques, combinée à l'autisme et au cynisme des classes dirigeantes, conduit nombre de mouvements sociaux à être à nouveau tentés, soit directement par la violence, soit par des stratégies beaucoup plus agressives et de ce fait beaucoup moins festives et participatives. Le retour de logiques autoritaires à la fois au coeur de visions politiques (évolution croissante vers un capitalisme autoritaire dans le monde) mais aussi au sein d'organisations et de mouvements se voulant alternatifs le manifeste.

Bruno : L'intérêt de l'archipel était de rassembler "autour des jours heureux" . Il pouvait donc rassembler très large, au delà des acteurs de la transition. Mais avec si peu de moyens, comment relever le défi que nous nous sommes donner.
Sans un archipel, qui réunit des acteurs aux thématiques très larges (transition, droits humains, relations internationales, quartiers, technologie, information, réappropriation du politique etc..) le risque est de construire des pirogues qui ne croisent pas suffisament les grandes questions du moment, qui sortent de la complexité. Nous serions un mouvement de plus.

Didier : je suis d'accord avec la motion de Patrick autour de l'idée du bien vivre en acte comme ajout central de l'archipel oljh.
la reliance n'est plus dans l'archipel : quel dommage! c'était l'un des intérêts qui m'a fait persévérer dans la démarche, particulièrement dans les ajouts du CTC et du Pacte, les rassemblements qui n'ont pu aller à maturité, et surtout l'écoosystème, qui manque terriblement à la convergence vers une transition réelle.
Personnellement, j'ai fait de cette reliance le point central de mes activités, et ça me donne un regard global sur tout cet écosystème.
J'ai passé deux jours à Pontivy avec mon camarade Dominique pour mettre une troisième fois à l'épreuve notre initiative des colporteurs de Démocratie, et nous entamons avec la Bascule en local une expérimentation commune sur ce thème, embarquant avec nous le Pacte, le mfrb, et d'autres initiatives concrètes désireuses de rencontrer les aspirations du terrain, des habitants et les outils qu'ils proposent.
C'est dans cet esprit que je pointe le fait que les jeunes de la Bascule se retrouvent un peu isolés face à l'hostilité un peu attentiste d'une partie des orgas prêtes à s'engager. On connaît l'enthousiasme un peu ravageur de Maxime, et on imagine le manque d'expérience des jeunes étudiants. Les deux articles de Reporterre et de? ont eu un effet assez désastreux au départ, et ont sans doute renforcé leur détermination. Mais on constate un effet refroidissant sur nombre d'orgas, sans doute par peur d'être assimilées à l'image de greenwashing ressortant des articles.
il est temps, je crois, que tous ces espaces, municipalisme, écoosystème, bascule, économie des communs, symbiotique, se mette à faire écosystème, et qu'une dynamique de convergence réelle se mette en place.
Peut-être nos jeunes amis seraient fondés d'ailleurs, à souligner leur impatience face à des luttes entre factions écologiques, luttes sociales, puristes de posture quand on jauge l'imminence des dangers déjà à nos portes...

Comment chacun aimerait voir l'archipel s'engager là-dedans?

Patrick : deux perspectives peuvent s'offrir à nous
  • acter la combinaison des limites et des réussites de l'archipel, le dissoudre sous sa forme actuelle et poursuivre notre double action "infusante" de la forme archipelienne et de la culture du bien vivre en acte dans d'autres regroupements qui, eux , disposent de moyens logistiques plus importants : le CRID, le CTC, la Bascule par exemple.

  • Considérer que nous avons besoin de renforcer l'articulation présente dans notre titre car aussi bien la forme archipelienne que la culture du bien vivre restent fragiles et que notre propre capacité de proposition dans d'autres regroupements a besoin d'être nourrie davantage.

C'est cette seconde piste que je me propose d'explorer autour de la perspective "d'archipel-mouvement".

Il me semble que nous avons en quelque sorte trop idéalisé la forme de l'archipel et insuffisamment travaillé le volet "Jours heureux" de notre titre, que nous avons limité d'un côté à la filiation historique du CNR et de l'autre à la pirogue "Nanoub".

  • s'agissant de l'archipel si la reconnaissance des identités racines est aujourd'hui largement partagée dans d'autres modes de regroupement la construction des identités-relation et d'un pouvoir de co-construction plus que de domination reste problématique. Or cette difficulté tient aussi au fait que le rapport au Pouvoir, y compris dans les milieux alternatifs, est vécu sur le mode dominant du Pouvoir à prendre, du pouvoir de conquête, qui ouvre le droit à dominer autrui. Changer ce rapport pour adopter la perspective d'un Pouvoir- énergie renouvelable, d'un Pouvoir de creation démultiplié par la coopération suppose un changement profond de motivation qui renvoie in fine à des postures de vie différentes. C'est sortir des logiques d'excitation addictives et compétitives pour aller vers des logiques d'intensité, de Joie partagée. C'est pour cela qu'un Archipel Politique qui ne serait pas immergé dans un Mouvement citoyen plus large pour le bien vivre serait en permanence menacé en son propre sein par les métastases de la politique compétitive organisée autour de l'excitation du pouvoir à prendre ou à conserver. Les municipales qui favorisent l'émergence d'un autre rapport au pouvoir centré lui sur la création et démultiplié par la coopération constituent un enjeu privilégié en ce sens. Mais dès que les échelons supérieurs seront en jeu il faut que les acteurs d'un archipel politique soient suffisamment ressourcés dans cette autre pratique et vision du pouvoir pour éviter la rechute ! Ce sera le cas en particulier en France pour la préparation de 2022...

Il me paraît donc souhaitable d'inscrire notre action dans la perspective d'un véritable mouvement citoyen pour le bien vivre, y compris à terme sur le plan planétaire. Cela supposera bien sûr beaucoup de temps, de cristallisation d'énergies et cela n'est possible que dans une perspective de co-construction, par exemple avec les acteurs qui avaient été à l'origine du premier forum international du bien vivre à Grenoble. Mais cette perspective me semble nécessaire si nous voulons que le bien vivre en acte ne relève pas d'un simple horizon affiché mais d'une méthode de transformation tant personnelle que collective et sociétale. À ce titre envisager la préparation en 2020 ou 2021 d'un événement important à co-construire sur cet axe me paraît un bonne suggestion : David Bodinier et Marie Hélène Izard l'ont proposé lors de réunions récentes. Dans cet esprit la proposition faite par la pirogue Nanoub de fiches de questionnement des organisations membres de l'archipel autour de leur rapport au bien vivre est une bonne manière de démarrer ce processus tout comme la co-construction d'un "meta recit" plaçant la perspective d'un pays du bien vivre en son coeur (lien avec la pirogue récit). Cela suppose également d'assumer que des personnes soient membres d'un tel mouvement et qu'elles jouent un rôle de tisserands

Bruno : Nous avons pris conscience du problème de la reliance et nous l'avons travaillé. l'archipel pourrait favoriser toutes les actions de reliance qui émergent et en devenir catalyseur en partageant notre expérience. Renoncer à favoriser la reliance serait pour moi, renoncer à ce qui était l'objet même de l'archipel.

Didier : D'accord avec Bruno, renoncer à la reliance c'est renoncer à un monde nouveau, quelque part trahir les espoirs à peine nés, et surtout tourner le dos aux "gens" dont on attend tellement qu'ils se réintéressent à la politique.
L'archipel c'est un mode de gouvernance qui attire beaucoup d'organisations, un ensemble de visions, notamment celle du bien vivre, qui tempère les impétuosités du moment, et apportent cette idée de faire de la politique autrement, en dehors de la compétitivité.
Mais il y a , c'est vrai, un besoin de retour au concret, au terrain, qu'on est en train de réaliser avec le ctc et la bascule.
A suivre.)